30 avril 2024
dessins animés enfant

L’usage adapté et la valeur des dessins animés pour les enfants

Plus que de simples produits de divertissement, les dessins animés font amplement partie de la pop-culture et du patrimoine que l’on peut attribuer à une génération donnée. L’influence de ce format et de ses contenus est reconnue de manière incontestable au vu d’une part, de la variété de l’offre proposée et d’autre part, des débats suscités par les effets des écrans ou des programmes sur les jeunes téléspectateurs.

Bien que les dessins animés soient la version actuelle des contes et des légendes, ils restent parfois un sujet controversé. Malgré les valeurs transmises et les messages positifs pouvant être une source de socialisation complémentaire pour les enfants, c’est une utilisation prudente des écrans et un choix de programmes adapté à chaque stade de développement des jeunes enfants qui permettront de tirer le meilleur des dessins animés.

Des contenus ancrés dans les sociétés

La racine des dessins animés se trouve dans les contes et histoires orales transmises aux enfants pour leur inculquer une morale et des explications aux questions existentielles telles que la mort ou la peur de l’abandon par exemple. En effet, le fait d’imager des idées abstraites permet une meilleure compréhension par un jeune public qui ne peut encore comprendre sans représentations. Les vitraux des églises permettaient d’ailleurs de raconter une histoire transmettant un modèle de conduite à une population majoritairement illettrée. L es illustrations ont accompagné les récits témoins de l’histoire des sociétés. Aujourd’hui également, ces contenus dessinés et animés sont utilisés par les hôpitaux pour simplifier la compréhension des patients dans le milieu médical. Nous pouvons prendre l’exemple de l’institut méditerranéen de protonthérapie qui a investi dans 4 courts-métrages animés afin d’expliquer aux enfants et à leur famille le processus de radiothérapie.

Le potentiel de ces histoires par l’animation a été repris le plus tôt possible dès la période industrielle à des fins de formation ou de propagande. En ce sens, le gouvernement américain a par exemple commandé durant la Seconde Guerre mondiale 32 dessins animés antinazis au studio d’animation Walt Disney. Les dessins animés mettaient en scène des personnages pour transmettre des valeurs et une idéologie au jeune public on ne peut plus influençable.

C’est ainsi dans les années 50 que les dessins animés se démocratisent avec la prolifération des chaînes de télévision et commencent leur véritable ascension. Ces programmes se sont progressivement diversifiés avec dans les années 50 et 60, des licences tournées vers l’humour et pleines d’esprit telles que Scooby Doo, Les Looney Tunes ou encore Tom et Jerry. Les super-héros sont ensuite arrivés dans les années 70 avec GI Joe, les Tortues Ninja et He-Man. Enfin, dans les années 90, des programmes offrant un commentaire social et sociétal ont gagné en popularité comme par exemple, les Simpson, South Park ou Futurama. En 2024, les dessins animés représentent 20,6% de la consommation audiovisuelle des enfants de 4-14 ans (et 25,6% pour les 4-10 ans) au sens du centre national du cinéma et de l’image animée. L’animation française est une des premières productions mondiales et seconde consommatrice de manga au monde.

 

Toutefois, les dessins animés ont parfois été décriés et des controverses se sont créées quant à l’utilisation des écrans pour les enfants

Dans un souci de santé publique et de protection des jeunes téléspectateurs, les dérives des écrans et leur utilisation abusive sont régulièrement mises sur le devant de la scène. Des rapports sur le temps passé devant un ordinateur, le nombre d’écrans par famille ou encore le taux estimé de cyberharcèlement sont des données aujourd’hui très accessibles. En effet, le dessin animé va capter la concentration immédiate de l’enfant tandis que la concentration volontaire (qui permet de se concentrer ou bien d’exprimer la créativité) passe au second plan. La question de la violence de certaines scènes et de la réduction du lien entre fiction et réalité a aussi été pointée du doigt suscitant exactement les mêmes questionnements que pour les mangas et les jeux vidéo.

Toutefois, les dessins animés qui sont un prolongement des contes et histoires comme nous l’avons exprimé précédemment ne sont pas à remettre en cause dans leur intégralité. C’est la consommation de programmes inadaptés par rapport à l’âge et une surexposition de l’enfant aux écrans qui peut poser un souci et entrainer des effets néfastes sur sa santé. Quand, aux animations, elles peuvent être un outil précieux pour les parents lorsque les programmes sont en adéquation avec le développement cognitif des enfants.

Des programmes cependant tournés vers la transmission de valeurs et la socialisation des jeunes spectateurs

Avec la mise en scène de situations plus ou moins proches de la vie des enfants, les dessins animés sont moteurs d’exemple et de comportements à suivre pour les jeunes téléspectateurs. En effet, observer différents personnages et s’identifier à certains d’entre eux permet à l’enfant d’expérimenter des types de réactions, d’attitudes et de codes sociaux possibles, et contribue à son développement socioaffectif par le mécanisme de l’imitation.

Tout d’abord, le dessin animé va poser des mots sur des émotions vécues, des ressentis abstraits et permettre de les inscrire dans un schéma émotionnel. A titre d’exemple, les pleurs, réaction spontanée d’un enfant, vont pouvoir être montrées comme résultantes de tristesse, de frustration ou encore de trop plein émotionnel. Ce sont de nouveaux mots qui vont permettre à l’enfant de comprendre plus en détail ce qu’il ressent à l’instar des personnages des fictions regardées. Certains programmes se donnent d’ailleurs principalement cette mission comme Bing qui dépeint la vie d’un petit garçon d’âge périscolaire et des petits tracas pouvant être rencontrés.

Les dessins animés et films d’animation permettent également de surmonter les épreuves de la vie et les évènements plus difficiles tels que les deuils, la solitude ou la perte. Respectivement, Bambi, Le Roi Lion ou Némo traitent de ces sujets et montrent qu’il est possible de surmonter ces situations. Ils peuvent être également des supports relatifs au dialogue entre parent et enfant sur des sujets complexes à traiter et sur des situations difficilement repérables. Prenons l’exemple du Harcèlement scolaire : une des scènes souvent oubliée du début du film d’animation Lilo et Stitch montre la jeune fille délaissée de sa classe. Les autres filles la poussent, ne veulent pas jouer avec elle et se moquent de sa poupée « Bouillon ». Ici le visionnage du film serait un support idéal pour demander à l’enfant si celui-ci se sent comme Lilo à l’école ou bien comment compterait-il réagir si une Lilo était dans sa classe (Irait-il consoler la jeune fille ? Irait-il en parler à un adulte ?). Le visionnage de ces scènes permettrait alors d’instaurer les conditions idéales au dialogue et à l’échange.

Les dessins animés, tout comme la culture au sens large, permettent de confronter un public à une situation qui lui est plus ou moins éloignée et ainsi, de pouvoir éprouver par procuration les émotions associées. C’est d’ailleurs la genèse de la « cinémathérapie » qui utilise plus ou moins ces procédés.
Comme nous l’avons mentionné quant à l’apprentissage de l’enfant par l’imitation, les dessins animés permettent une transmission de règles sociales. Et, aujourd’hui, les parents attendent aussi des dessins animés un rôle dans le développement de leur enfant. En ce sens, une étude de IDM Families réalisée en 2021 montre l’importance de ce support pour les familles. L’étude précise que 3 parents sur 5 considèrent que les dessins animés contribuent à la construction de la propre personnalité de leur enfant, en complément des activités extra-scolaires, des activités en famille et des jeux libres. Les programmes s’adaptent alors aux attentes des parents et les dessins animés pointent du doigt certains sentiments encore peu explorés jusqu’à présent. C’est le Cas de Gabby et la Maison Magique qui porte son attention sur l’importance d’essayer et du droit à l’erreur pour l’enfant.

Parmi les valeurs prioritaires à transmettre à leurs enfants, les parents citent :

  • La confiance en soi à 88%
  • Le respect des autres à 87%
  • L’honnêteté à 86%

 

La solution se trouverait alors dans la recherche d’un usage adapté des dessins animés suivant le développement cognitif de l’enfant. Pour les jeunes téléspectateurs, la présence d’un adulte avec qui dialoguer de manière libre est « indispensable »

 

La partie qui va suivre suit les théories de Piaget, fondamentaux de la psychologie du développement, sur les stades de développement cognitif de l’enfant et le processus d’intégration des images par les petits selon la psychologue clinicienne Geneviève Djenati dans son ouvrage « Psychanalyse des dessins animés » (2001).

  • Stade sensorimoteur (0-2 ans)

A cet âge, l’enfant comprend le monde en partant de réflexions innées. Il répète des actions au hasard en constatant les conséquences directes : l’enfant construit des schémas de répétition à partir de son propre corps (ex. tirer, faire tomber un objet etc.).

Bien que les écrans soient déconseillés à cette période, les dessins animés dits « adaptés » auront des graphismes simples, des sons et des couleurs vives. Des mouvements de caméra simples et très peu de changement permettrons une meilleure intégration de l’image et les scénarios se montrent répétitifs avec de légères variations (ex. MiMi la petite souris ou TroTro).

  • Stade préopératoire (2-7 ans)

Cette étape de développement est assez large et comporte donc de nombreux changements pour l’enfant qui débute les interactions avec les autres individus de son âge. Toutefois, la pensée se construit toujours de manière égocentrique et en résonnance avec ses expériences individuelles sachant que le concept du moi n’est pas encore intériorisé à 3 ans.La curiosité est grandissante dans ce laps de temps (la période des « pourquoi » s’installe) et l’enfant manifeste un animisme important en attribuant des pensées et émotions à des objets ou des animaux. Les explications subjectives avec de la magie par exemple prennent aussi le pas et c’est alors vers 4 ans que la période des angoisses et des cauchemars débute. En ce sens, des licences comme “Gabby et la Maison Magique” suivent très bien cette vision fantastique du quotidien en attribuant les pièces de la maison à des personnages magiques.

Ici les programmes visionnés vont particulièrement marquer l’enfant puisque l’écran sert à évacuer les sentiments ambivalents envers les parents. C’est aussi le moment d’introduire des dessins animés avec de la morale et une pensée symbolique qui met en relief des grands sentiments tels que l’amitié et l’entraide. Les Pyjamasques, par exemple, entrent complétement dans cette dynamique en promouvant le message qu’ensemble, on peut réaliser de grandes choses. Le dessin animé traite également du sentiment de justice et de la curiosité chez les enfants.

L’introduction à l’humour et au second degré se fait également à ces âges permettant des moments de partage devant les écrans. De plus, cette période marque le début de l’association des mots et des images par la mémorisation et la collection. C’est alors le début de l’attrait pour les séries avec des collectionnables tels que Pokémon ou Digimon.

  • Stade des opérations concrètes (7-11 ans)

À ce stade de développement, l’enfant utilise la logique sans pour autant accéder à une pensée abstraite qui lui permettrait d’appliquer une réflexion et ses connaissances à un sujet qu’il ne maîtrise pas encore. Les programmes pédagogiques sont fortement appréciés et les scénarios pouvant emmener l’enfant au-delà de son quotidien. C’est dans cette tranche d’âge que l’intérêt pour d’autres cultures ou d’autres époques pourra être le mieux exploité par les programmes.

L’âge social n’est cependant pas toujours similaire à l’âge du développement, d’où l’importance de pouvoir observer et parler avec l’enfant de ce qu’il voit et comment il intériorise les contenus visionnés. A titre d’exemple, un enfant qui sort du cinéma et reste muet sur ce qu’il vient de voir peut être sujet à plusieurs ressentis et les exprimer de manière parfaitement différentes. Le film peut avoir été vécu comme un moment entre parenthèses qui ne nécessitera pas de discussions en aval, son comportement restera le même et le visionnage n’aura pas provoqué d’émotions trop fortes chez lui. Ou dans un autre cas, le silence de l’enfant témoignerait d’un trop-plein émotionnel. La pression sera alors évacuée par un changement de comportement (une excitation ou un repli sur soi) et l’enfant pourra ensuite mettre des mots sur ce qu’il a vécu. 

En clair,

 

L’accompagnement des enfants et des parents devant les écrans s’impose comme nécessaire et le Haut Conseil de la santé publique s’est ainsi saisi de la question et a très récemment formulé des recommandations à destination des familles.

Tout d’abord, l’échange avec les enfants sur les contenus visionnés est indispensable. En effet, si cette importance du dialogue a été plusieurs fois abordée dans cet article, c’est parce qu’elle représente une réelle opportunité pour les parents et une condition sine qua non de l’utilisation saine des dessins animés. Nous pouvons citer Olivier Gérard, responsable des médias et usages numériques à l’UNAFqui indique : «Les écrans sont un vrai sujet de dialogue parent-enfant, surtout en dehors des périodes de tension. Ces discussions ne doivent pas se limiter à la question du temps devant les écrans. Il est important de s’accorder des moments réguliers d’échange en famille pendant lesquels les enfants peuvent raconter ce qu’ils ont vu ou fait et sur ce qu’ils ont ressenti.» Une seconde recommandation qui en découle est de privilégier et d’instaurer des moments d’usage collectifs des écrans. L’utilisation et la fréquence de visionnage des programmes est aussi l’objet de préconisation. Il est en effet conseillé d’éviter les écrans le soir, en mangeant ou bien dans la chambre ainsi que de passer trop de temps soi-même sur les écrans. 

Les dessins animés prennent ainsi une place de plus en plus importante au sein des foyers et c’est avec de bonnes pratiques que les enfants pourront profiter de la plus-value de ces programmes en pleine transition. En effet, on observe sur le marché une influence des animés et des mangas. Avec des licences reprisent en produits dérivés, des collaborations avec des marques de vêtements ou encore des animés aux productions de plus en plus importantes, cette tendance se consolide et s’installe dans la consommation des enfants.